Courage poète

Dans la nuitTu te lèvesPour te couvrirDe bleusSans que cela ne se voitEt tu découvresLes toiles qui se tissentQuand tu dorsCar dans la poussièreEn suspensionLa lumière devient visible

Quand les appuis se dérobentSous les anglesTu ne reposes plus alorsSur rienDe ce en quoi tu croyaisTu ne peux plus soudainT’accouderSur les bords d’aucune certitudeNi même allongé sur le solSur aucun plancherEt tu passes au travers de tes doutes

Quand affleure le signal A la surface Il est temps   Il faut se préparer maintenant A remonter Se hisser chacun à sa manière Se séparer de ce qui était Des ornements De la matière Se préparer au surgissement A l’inéluctable A ce qui devait arriver Et qui advient enfin

Dire des airsDes riresEt des désirsDans le désertDans le délireDe vivre un peu plus fortUn peu plus au-dehorsEncore

Désir d’errancePartirSe débarrasser de ce qui est connuDu vu et du revuAbandonner ce qui est convenuVécu et revécuLaisser s’abattre la guillotinePour trancher dans le quotidienSans heurtD’une coupe netteSe retrouver séparéDe ce qui alourditLa têtePrendre ses jambesA son cou

Sur la ligne des rêvesA travers l’échancrure du réelSe réverbèreLa lumière sourde de l’instant

Ta peau enrouléeComme une flamme autourLècheL’alarme de ton cœur vibrant

Faire transpirer les motsComme des corpsTrop volumineuxLes exercer sur le réelPour en exsuder l’inutileL’excédentLe en-trop qui n’apparaît pas tout de suiteLes galber comme des musclesLes faire sortirEn crachantLes postillons feront mouche ou nonPlus tardIls retomberontLes motsVaporeuxDans leur matière silencieuseEssayerFaire suer aussiLe front du poèteEt l’essuyer encore

Transformations infimesDes motsDans l’infirmité d’une langue incomplèteComme une guérisonDe l’informeUne clarification du précipitéDu flouDans l’intime

Révéler la relèveA l’heure où se lèventLes rêves élevésEn spiralesSur les lèvresImpatientes de dire

L’échelle d’ombreDéposée sur le sol de la cuisinePar la lueur de la lune claireQui perce les carreaux de la fenêtreSemble imprimée sur le carrelageSous le degré du basUn totem se dresse à angle droitJe lève les yeuxAu plafondPend l’attrape-mouche

Il n’est pas de bonne voieIl n’est qu’un chemin à écrirePorter sa paroleAu-dehors de soiLa découvrirA elle-mêmeLa rendre vulnérableA l’airAu risque de contaminationMais participer ainsiA l’ordre du monde

Une intention claireEn avant de soiPousserAller un peu plus loin encoreQue soi

Brandir son attentionEt la protéger des dangersAvec pour garde rapprochéeLe courage et la sincéritéPorter son attentionAu-devant de soiComme d’autres un étendard :Fièrement

Dans l’horizontalitéEntasser des stratesDe matièresJetées làLes unes sur les autresEt grimper sur les couchesPour s’éleverPour gagner en hauteurDans la verticalitéRésisterEtre plus grand encoreS’étirerTenirRester debout déjà

Le jour d’après viendraCelui où il nous faudraPousser les limitesEn dehors d’ellesSur le solJuste derrière nos ombresTraîneront nos liens défaitsPendant que nous nous retrouveronsDans cette zone communeAu centre des attentesLe jour d’aprèsQuand le ciel dans nos yeuxAura séchéNous essaierons encoreNous ouvrirons un regard neufSur ce qu’il reste à faireSur un nouvel espace à inventerEn écoutant…

Une bande d’ombreTraverseLes herbes hautes***Là-hautUn avion passeTraînée sur le ciel***L’ombre de la grilleLacère la surfaceDe l’allée ensoleillée***Reliefs de repasUne serviette jetéeSur la nappe à carreaux***Après l’amorti vainqueurLa balle rouleSur la terre battue***Film ancienGrain de la pelliculeVieillie***Vacances à la merLa plage déborde***Ecrivant un poèmeUne moucheSe pose sur la feuille

Viens dans mon couEnfouir ta rageAccroche-toiEnserre-moiBoucle tes cheveuxAux miensPendant que ton cœurEnfleSerres les poingsEt hurle

Au centre du courageUne force écarquilléePropulséePar un élan insoupçonné Ouvre un passageComme on projette une formeVers un éclairPour faire une étincelle

Au-dessous du niveauD’encreSoudain le besoin se fait sentirD’un air renouveléD’une boufféeUne respirationSolide pour reprendreLe dessus

On nous avait demandéDe faire preuve de courageAlors nous sommes restésChez nous

Un masque sur la boucheUn bandeau sur les yeuxNous ne voyons plusOù tout cela nous mèneEt pourtant l’espoir

Au centre de l’orageDéstructurer Les cœurs sauvages

Le vertigeA recouvert son videPour le comblerPour le rassurerPuis il s’est tuDans son échoPour résonner encoreAprès sa chute

Un pas de côtéUne vague évitéeUn soulèvement inattenduEntreLa course et la rageEst passé

Tomber une foisSe releverTomber encoreMettre en placeQuelque chose etSe releverTomber une troisième foisSombrer puisSe releverTomber à nouveauEssayer autre chose pourSe releverTomber une cinquième foisNe pas se laisser allerSe releverTomber une sixième foisSe relever encoreSe redresserEt avancer encoreContinuer

Les lignes se redressentA l’horizonEt nous pouvons les suivreNous projeter en ellesNous pouvons les rejoindreMonter vers ellesEn équilibreSur le fil précaireDe notre verticalité

SouleverLe couvercle des nuagesEt découvrirLa terrePour la rendreA elle-mêmeAvoirLe courageDe la sauver

Je n’ai pas assistéA la disparition des bravesMais on me l’a racontéeIls étaient là ensembleAvec le bruit autour d’euxQui lacérait le silenceLà-hautDes crissements d’étoilesL’odeur de soufre mêlée de sangDans leur bouche disparaissaitLeurs peaux qui s’étaient tachéesS’effilaientComme des vêtements élimésIls ne ressentaient plus de peurA ce moment-làMais des images leur traversaient le crâneDes souvenirsQu’ils n’avaient pas…

J’ai assisté à la transformation des bravesA la façon dont ils ont glisséDans la tranchéeLentementDans quelque chose qui ne leur appartenait pasQui n’était plus euxQuelque choseQu’ils n’avaient pas imaginéQui était plus grandQu’eux tous réunisEt les dépassaitDe loinPeu à peuIls n’ont plus eu de protectionLeurs corps étaient meurtrisEt leurs cerveaux maladesPeinaient à distinguer le réelJ’ai vu…